UN PEU D'HISTOIRE
MESSE DE L’ÂNE, FËTE DES FOUS
par Mr Bernard Brousse
La Bibliothèque municipale de Sens conserve un ouvrage célèbre dont on attribue la rédaction à Pierre de Corbeil, archevêque de Sens au début du XIIIème siècle. C’est le manuscrit de la Messe de la Circoncision, plus connue sous le nom de Messe de l’Âne, protégé par le fameux diptyque d’ivoire orné de divinités païennes…
Il nous ramène à une époque où nos ancêtres, contraints à un ralentissement relatif de leur travail pendant la saison hivernale, en profitaient alors pour vivre un ensemble joyeux de fêtes.
Celles-ci, en relation avec le calendrier liturgique, commençaient au solstice d’hiver avec Noël, pour se terminer avec le Mardi Gras, premier jour de l’année et lié à l’équinoxe de printemps. Pour ne prendre que la semaine qui commence avec la nativité se suivent les jours de fête suivant :
25 décembre : Noël
26 décembre : St Etienne / Fête des diacres
27 décembre : St Jean l’Evangéliste / Fête des prêtres
28 décembre :Sts Innocents / Fête des enfants de chœur
1er janvier :Circoncision / Fête des sous-diacres
Certaines de ces festivités ajoutaient à la cérémonie religieuse une partie beaucoup plus solennelle. C’est ainsi que la fête des enfants de chœur s’accompagnait de l’élection d’un espiègle « Archevêque des Innocents ». Le Trésor de la Cathédrale conserve le petit bonnet, fait de multiples pièces d’étoffes, de ce juvénile prélat d’un jour.
Le premier janvier c’était au tour des sous-diacres de célébrer, à leur façon, la circoncision de Jésus, lors de la populaire Fête des fous ou Fête des sots. Le « proviseur de la fête » ou « préchantre des fous » devait subir une aspersion burlesque à l’heure des vêpres sous la forme de trois seaux d’eau…
Ce jour-là était donc célébrer la Messe de l’Âne, en vérité office de la circoncision, qui comprenait à la porte de la cathédrale des chants en ‘honneur de l’âne : « Aujourd’hui, que reste loin l‘envie, bien loin de tout ce qui est tristesse ; ils veulent de la gaîté tous ceux qui honorent les fêtes asinaires. Des Pays de l’Orient est venu l’âne, bel et tout ce qu’il y a de costaud, on ne peut plus apte à porter les fardeaux. Refrain : allez Hue Monsieur l’Âne, hue ! »
On rendait ainsi hommage à ce brave animal qui porta la sainte Famille lors de la fuite en Egypte et plus tard le Christ lors de son entrée dans Jérusalem, et qui symbolise les humbles qui accomplissent des tâches ingrates…
Avant le commencement du XIIIè siècle, la Fête de la Circoncision n’était pas encore célébrée à Sens. Quand à la Fête des Fous qui l’accompagnait ; elle fut d’abord tolérée (les chanoines versaient même une gratification au préchantre des fous), puis interdite (sans réel succès) avant de disparaître lors des troubles sanglants des Guerres de Religion de la fin du XVème siècle.